Un jour peut-être…je te dirais pourquoi

Un jour pourquoi pas, je te dirais peut-être qu’elles sont les raisons de mon arrivée ici. Ces choses que je tais, ces choses que mon esprit efface avec lesquelles pourtant j’apprends encore à faire la paix avec, aujourd’hui à 40 ans.

Nous sommes le résultat de nos blessures et la somme de nos expériences. Cette phrase sonne si vraie! J’ai du respect pour ceux et celles qui franchissent le pas pour coucher sur papier glacé leurs déboires, leurs victoires et leurs parcours. J’ai encore plus de respect pour ceux et celles qui vont au fond de leur intimité afin d’y chercher un incroyablement laid que moi, je cherche à dissimuler ou à faire taire, ou encore à oublier.

Certaines de mes amies le font, affronter leur démons et l’exposer au monde pour que les autres en tirent des leçons et se disent “je ne suis pas seul.e”. Oh je les admire!

Je les admire oui! Quand je pense à mon recueil de plus de cent poèmes qui ne sera jamais publié. Parce que c’est mon choix. Parce que j’y aborde des choses qui encore aujourd’hui parfois me tourmentent. Parce que ce sont les jérémiades d’une pré ado- ado que j’exècre violemment. Parce que je ne reconnais pas cette fille et ses choix. Parce que son désarroi figé a été un jour le mien…. parce que tout simplement parce que…. Et pourtant après 3 tentatives de suicide, j’ai rencontré Baudelaire dans Les fleurs du mal. Et pourtant, j’ai appris à magnifier la laideur et la souffrance en moi. 

Petite note personnelle: une pensée pour les bien pensants pour qui les suicidaires sont des lâches. Il a fallu que je passe à côté pour réaliser qu’il en faut du courage et de la détermination: j’aurais eu assez de cran, j’aurais su quel produit était plus rapide et efficace, je ne serais pas là aujourd’hui!

Le poème “mon chant de cygne” est à ce titre un de mes préférés et pourtant j’y parle de corbeaux qui m’ont fait croire que la ciguë était du miel, j’y parle de fiel, d’abysses et de suicide… Il y a aussi ce poème auquel je destine plein de succès et pourtant… rien de beau…. il parle de “déambulations de mon âme, de mon incommensurable tourment”. 

Poème d’un recueil qui ne verra pas le jour 

Mon plus beau,

ne sera pas le plus gai!

Plein de spleen et de tourmente,

il sera révélateur de noires abysses,

il se fera la peinture de la laideur dont souffre l’agitation de mes pensées

il dévoilera les déambulations morbides de mon esprit!

Mon plus beau,

sera inspiré d’un tristement et malheureusement vécu.

Tribulations  de chez tout en tribulations,

il sera le récit enjolivé de fantasques délires,

il sera l’enfant de mon inqualifiable martyre!

Et tu me donneras raison,

tu ne seras pas effrayé car tu comprendras pourquoi il est choyé!

J’ai appris à l’accepter

et j’en ai fait ma vérité,

même la laideur a sa poésie,

même la laideur connaît sa beauté.

Ce mal être en partie était dû à ma position. Je suis l’aînée de ma famille ou du moins de celle que mes parents ont créé. J’ai demandé à ma maman et elle m’a dit qu’avant moi, il n’y a eu PERSONNE. Personne de qui j’aurais pu apprendre, personne pour me montrer le sujet, personne qui comprendrait mes hésitations, mes peurs et mon tourment sans me juger…. Personne! Ciel, personne. Si ce n’est mes parents à vouloir me façonner, à faire de moi, leur copie, l’idée qu’ils se faisaient de l’enfant modèle. Sans mode d’emploi, ni d’expérience précédente, ils ont fait de leur mieux, j’ai accepté et j’ai pardonné l’éducation à “l’africaine”.

Et j’ai pris plein pot. J’ai souffert dans un silence parfois assourdissant, mes appels au secours restés sans réponses. Et j’ai voulu me démarquer, ne pas ressembler à cette personne qui je savais n’était pas moi. J’ai voulu être moi et faire valoir mon individualité repoussant toute forme de conformisme… Bien des fois, je me suis sentie traquée, dos au mur au mieux… J’ai essayé 3 fois. Je n’avais pas les bons outils. Peut-être qu’au fond de moi, une partie de moi ne voulait pas partir.

On ne le dit pas. On n’en parle pas assez. Mais, être l’aîné de sa famille peut être TRAUMATISANT!

Poème d’un recueil qui ne verra pas le jour 

La mort comme un choix

unique réponse à mon désarroi

seul je m’y engage

car tel est l’apanage

d’une âme qui vit un vrai carnage

je veux la paix

me soustraire de ce monde de niais

Oui la mort pour ma libération

en mon âme et conscience

j’en prends la décision.

De cette période de mal-être, j’ai gardé un amour fou pour la solitude. Oui, je déteste les appels inopinés quand ils tombent alors que je suis dans ma bulle, je regarde mon téléphone et j’ignore. Je déteste encore plus quand on débarque chez moi sans me prévenir quand je ne veux voir personne, oui, ça m’arrive de prétendre que je ne suis pas à la maison alors que j’y suis et que je veux profiter de moi. De ma période de spleen, je ne supporte que très peu les personnes bruyantes qui envahissent mon espace personnel à coups de gestes trop familiers, une étreinte, une accolade, des mots très brouillons suffisent à me faire prendre mes distances. Oui, un coup de fil, des gestes, des mots sont vécus comme une invasion et avec le temps, je ne fais plus d’efforts. Vestiges de mes profonds moments de solitude, du très bas de mes 15ans, j’ai appris dans la douleur qu’être entouré est un leurre. Beaucoup vous entendent parler mais peu écoutent. Mes pires moments de solitude étaient avec du monde autour de moi… Ca rit, ça juge, ça s’érige en valeur absolue, ça triche, ça m’isole, ça m’exècre…. Ma liste d’ami.e.s pratiquement inexistante, en a pris un coup… et se réduit comme peau de chagrin.

106ème poème du recueil qui ne verra pas le jour 

Être entouré

et seul à la fois

Tout comme rire

et être triste pourtant

Sembler vrai

et vraiment faux cependant

Oui! Dire ceci

et penser cela en même temps

Se prétendre proche

mais charognard réellement

Aimer,

Détester,

c’est pareil à peu de chose près!

Alors parle moi d’ami(e)s

je t’en Supplie,

Parle m’en

Aussi, nous avons appris à stratifier nos relations… Il n’y pas de mal à cela. On fait la part des choses (pouhin= point). Tu peux me considérer ton ami.e sans que je ne me considère pareille pour toi; l’inverse est aussi possible, et franchement, y’a pas de mal. Mon père dit, et à juste titre qu’il y a deux mots qu’on utilise à tort dans nos vies… Amour et Amitié…. Il a bien raison.

J’ai arrêté de vouloir ressembler à untel ou untel autre, il y a une éternité de cela. On apprend très vite que les “références” ont leur travers… Tolérables, ingérables, pardonnables, innommables. Ça ne m’empêche pas d’avoir des mentors, des grandes soeurs dont j’admire les réalisations. Je fais la part des choses. J’admire les réalisations et refusent de rêvasser sur le chemin et parcours que je ne connais pas…

Mon role model c’est moi. Inspiré par mon manque de jugeote, mes blessures au combat, mes actes manqués ou encore mes leçons durement apprises parce que trop têtue et pour ne pas vouloir mépriser les signes du temps. Inspiré de l’idée supérieure que j’ai de moi. J’ai appris à être ma seule référence, à croire en moi malgré cette peur panique de me révéler au monde. J’ai appris à m’ajuster… tomber est humain et normal, il faut juste le courage de le reconnaître et se pardonner. Je suis ma propre création avec cette inexplicable envie de n’être un modèle pour personne. N’y voyez ici aucune fausse modestie, c’est bien pour cela que l’aînée, phare de ses cadets n’a jamais résonné en moi… Chacun n’a qu’à se battre sur le chemin de sa vie. J’ai appris la bienveillance vis à vis de moi, la patience et l’indulgence… J’ai appris à respecter mes blessures sans plus les mépriser.

Et le chemin de ma vie, mon chemin……

Un jour, le monde tel que je voulais le bâtir s’est effondré. J’ai reconstruit de zéro. Le chaos pour compagnon, mon estime de moi à ras les pâquerettes, tous les voyants au rouge. Les lectures m’ont aidée, le pèlerin de Compostelle, Le Zahir pour ne parler que d’eux, sont des livres qui m’ont sauvée. J’ai commencé à apprendre de mon chemin, en tirer ma force, lui seul me donne les moyens d’atteindre la destination, ma destination. J’ai appris à me donner les chances et les moyens de me redresser, d’avancer, de serrer les dents, ceci n’est pas la fin mais le début.

Le plus difficile dans de pareilles situations, c’est d’accepter de l’aide mais encore plus d’en demander. J’ai appris à dire que je suis à bout, que je ne peux pas y arriver seule, que la charge me semble lourde…J’ai appris à me soulager par la parole, plus par les écrits qui avaient été mes meilleurs amis de 13  à 25 ans. J’ai appris à confier le poids de mes soucis. Accueillir avec bienveillance une personne, un.e ami.e qui vient à mon secours. Ce qui n’est pas facile quand on clame haut et fort : être son capital et son intérêt réunis. J’ai appris à accepter et à confesser que mon apparence de dure à cuire cache une âme sensible et que seule, je ne saurais avoir toutes les solutions. Il y a peu encore, A.N me demandait ce qui ne va pas… Il sait que d’ordinaire avec mes proches, je suis expansive. Mais, quand les mots se font rare, en général, ça ne va pas. Je me tais, je me coupe du monde…à essayer de gérer mes affaires toute seule.

Faire face à mes choix, comprendre mes manquements, mes zones d’incertitude, mes réactions. Faire face à ce qu’on sait mais qu’on tue en soi, qu’on tait pour un bout de paix éphémère….Quand les fantômes surgissent… très vite, on apprend que “fuir” ne sera jamais la solution… Se soigner, se pardonner, avancer…

Lâcher prise et se laisse porter par le courant…. J’ai appris que l’Univers est amour et bienveillance et rien de mal ne saurait m’arriver. De plus, c’est quoi le mal? Si ce n’est ce qu’on dit de quelque chose qui ne correspond pas à ce qu’on attendait d’une expérience. Tout événement heureux, ou pas, est une pierre qui servira à notre chemin.

Avancer et recevoir des cadeaux: deux cadeaux. Deux petits hommes que j’aime plus que tout. Deux hommes de qui j’apprends. Je suis maman. Loin d’être l’ACCOMPLISSEMENT de ma vie, ils sont ce que j’ai de plus précieux. Mes deux fils m’ont appris des leçons, chacun m’a donné et rendu le meilleur. J’avais une idée de ce que je voulais comme éducation. Vestige d’une éducation, celle de mes parents qui n’a pas été si terrible que ça. Oui, je suis en vie, debout. Quelques blessures mais tout n’est pas à jeter. A côté, j’ai réalisé que je ne pourrais pas leur servir le même menu, les deux étant si différents. Mon Archange est flexible et Chinaka, lui un vrai rigide: j’ai dû fléchir. Accepter de me remettre en question, m’adapter pour mieux les aimer, être à l’écoute et oublier la perfection pour eux. Je veux être la maman qui les accompagne sur leur chemin respectif. Je veux pouvoir contribuer à leur permettre de découvrir qui ils sont sans schémas prédécoupés, sans chemins prédestinés. Je voudrais pouvoir continuer de grandir avec eux pour une meilleure version de nous.

Aujourd’hui, j’ai 40 ans et un coup d’oeil en arrière me fait réaliser que j’ai grandi. J’en ai réalisé des choses, pour moi, pour les miens, mes proches et beaucoup de personnes que je ne connais forcément pas. J’en suis reconnaissante. La petite fille de 13 ans qui essayait de s’ôter la vie en 1993 dans les toilettes de la maison familiale, n’aurait jamais imaginé arriver jusqu’ici. Jamais, la vie me semblait invivable, insupportable. Et pourtant me voilà! Debout, reconstruite, confiante, assurée…. et reconnaissante.

Un jour pourquoi pas, je te dirais peut-être qu’elles sont les raisons de mon arrivée ici. Ces choses que je tais, ces choses que mon esprit efface avec lesquelles pourtant j’apprends encore à faire la paix avec, aujourd’hui à 40 ans. 

Posted by Leyopar

  1. Des passages qui résonnent en moi comme autant de mots que je n’ai pas encore le courage d’écrire encore moins de dévoiler au monde.. le ferai-je que beaucoup ne comprendraient pas … Les rares fois où j’ai essayé me l’a assez prouvé. Alors on fait avec ce qui est en nous..
    Il n’y a que ceux qui ont des creux de vagues qui comprennent.. qui comprennent Pourquoi on écrit plus qu’on appelle, pourquoi on reste parfois enfermé, pourquoi aller dans le monde necessite une préparation psychologique sans garantie de réussite, pourquoi le contact physique est un souci .. pourquoi les 3/4 du temps on fait semblant et combien ça épuise.
    Je suis dans le creux ..je rame pour en sortir parceque je m’y suis trop longtemps vautrée déjà .. mais ce n’est pas toujours linéaire.. aujourd’hui oui, demain non..
    Mais ai-je besoin de trop en dire? Non je crois c’est assez..

    Je te souhaite la Paix Profonde.. HBD.

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    1. Comme je te comprends…. un jour viendra….

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  2. J’aurais pu écrire une grande partie de ce texte tellement il me parle.. MERCI.

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