Le choeur des femmes, le débrief

Je viens de boucler la lecture de Le chœur des femmes, un roman dont l’intrigue se déroule à l’hôpital.  J’en ressors fort bouleversée. Je vous dis rapidement pourquoi.

Commençons par le résumé :

Le chœur des femmes est un roman né de l’imagination de Martin Winckler de son vrai nom Marc Zaffran. Jean Atwood (prononcé Jinn) est un personnage majeur du roman. Jeune interne ambitieuse et talentueuse se destine à la chirurgie gynécologique. Opérer le corps des femmes, leur redonner leur dignité est une obsession pour elle. Elle vit donc TRÈS mal le passage obligé dans l’unité 77 dédiée à la médecine de la femme (avortement, contraception, violences conjugales, maternité des adolescentes, accompagnement des cancers gynécologiques en phase terminale, etc.). Elle ne s’en cache d’ailleurs pas: « franchement, il n’y a que la chirurgie qui m’intéresse, mais je suppose qu’il est utile d’en savoir un peu sur le reste. »

En parcourant le roman, j’ai été glacée d’effroi de voir à quel point un médecin, femme, pouvait être une peste pour ses congénères. Alors que Jean était invitée par le Dr. Karma à assister à ses consultations, elle n’arrêtait pas d’avoir des avis tranchés, lapidaires. : « Je ne comprends pas que des gamines de quatorze se mettent à coucher si tôt. Déjà à vingt ans ce n’est pas une partie de plaisir, alors à quatorze ! » …. « IVG à dix-sept ans (pas surprenant quand on se met à baiser avant d’être sortie des jupons de sa mère [….] Elle pouvait pas prendre de précautions cette andouille ? […] Quel âge elle a déjà ? Vingt-huit. (Elle en a fait bien plus que ça. Fatiguée la pauvre). » Jugeant l’Unité 77 qu’elle regarde de haut, elle dit : « On doit s’enrhumer souvent, dans ce service. »

Tout ceci a ravivé le souvenir de Sorcières de Mona Chollet, livre dans lequel est rappelée la légende populaire selon laquelle les femmes auraient des maladies imaginaires. De bonnes femmes qui n’arriveraient à l’hôpital que pour trouver un docteur à qui elles raconteront le chapelet de misère de leurs vies. Cette idée est partagée par Jean. Elle ne comprend pas pourquoi le Dr. Karma consacre autant de temps pour ses patientes. Les médecins, pense-t-elle, sont des érudits. Ils connaissent mieux que quiconque les femmes et leurs tourments. Dès lors nul besoin de perdre du temps à les écouter geindre sur leurs émotions et ressentis… Mais avec calme et bienveillance, le Dr. Karma s’empresse de lui dire : « Un soignant, ça ne doit pas se comporter comme un juge… ». Et d’ajouter « Ne jugez pas les femmes. Ecoutez-les »

Je n’ai jamais été consultée par une gynécologue femme, mais de ce que j’entends, les femmes seraient plus promptes au jugement et à la condamnation… Du coup, je pose un peu naïvement la question : Pensez-vous qu’une gynécologue est plus indiquée pour consulter une femme tout simplement parce qu’elles sont toutes les deux des femmes ? Autrement dit, au-delà des compétences techniques apprises dans le cadre d’un cursus universitaire, pensez-vous qu’une gynécologue (du fait qu’elle soit une femme, cela s’entend) aurait, ipso facto, une meilleure compréhension du corps d’une patiente ?

Le livre aborde aussi le rapport au corps.  Les diktats sur l’uniformité et l’unicité du corps de la femme, la beauté unique et universelle mettent les femmes mal à aises. Dès l’instant que le corps sort des « canons arbitrairement convenus », on se sent très vite mal à l’aise et « illégitime ».

Ce livre est riche de réflexions et d’enseignements. Il remet en question la pertinence de certaines pratiques gynécologiques : vous demander de vous déshabiller SYSTÉMATIQUEMENT, vous imposer un toucher vaginal même quand cela n’est pas requis, manquer de tact durant la “manipulation” de votre intimité, -si j’en ai oublié merci de compléter-, invitent à la réflexion.

Un ou votre gynécologue a-t-il le droit de vous servir un interrogatoire en pleine consultation ? À quand remonte votre dernier rapport sexuel ? Combien de partenaires avez-vous ? Quelles sont vos pratiques ? Des questions, il y en a à la pelle. Page 98, une patiente raconte un épisode vécu durant lequel son gynécologue a refusé de lui prescrire une pilule parce qu’elle a eu le malheur de ne pas répondre à sa question : « avez-vous déjà eu des rapports sexuels ? ». A cela le Dr. Karma a une réponse toute tranchée : « L’activité sexuelle des femmes ne nous regarde pas. Si elles l’abordent spontanément, libres à elles. Mais de quel droit devrions-nous d’emblée chercher avec qui elle baisent, à quelle fréquence et dans quelles positions ? »

Martin Winckle est coutumier des faits. Médécin de formation, plusieurs de ses romans analysent le traitement de la femme dans le monde médical : maltraitance médicale, violences gynécologiques et obstétricales…En tout cas, il donne envie de découvrir d’autres œuvres de son immense bibliographie. À coup sûr, on y apprend toujours sur soi, surtout en tant que femme.

Posted by Leyopar

  1. Un résumé et le questionnement qui en découle qui donnent envie de lire le livre… pour ce qui du médecin, homme ou femme, je pense que c’est plus sa capacité d’empathie, tout en restant professionnel, qui me fait dire qu’il est un bon ou pas… savoir si un homme ou une femme est plus « aptes » à traiter les patients de son sexe fait appel à une forme de préjugé… bref, au dessus de tout, prime l’humanité

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