Lalibela le temps d’un week-end

Ça fait bientôt 3 ans que je vis  en Terre des origines (Ethiopie) et plus précisément à Addis Abeba (Nouvelles fleurs). La première année, 2019, a été marquée par tellement de voyages que j’ai bien été chanceuse d’avoir pu faire la majorité des musées à Addis et il y en a! Pour des raisons professionnelles, j’étais tout le temps partie donc, on n’a pas poussé plus que ça. La deuxième avait commencé par des missions, mais, Covid-19 est passé par là, ôtant tout espoir d’exploration in muros ou même extra muros.

Et pourtant, j’ai toujours rêvé de visiter l’Ethiopie, j’avais même commencé avec Internations. Mais, les missions, le boulot, les imprévus, la vie…

La vérité est que ça n’a pas toujours été une question de temps ou d’argent. Comme dans bien des choses dans nos vies, c’est avant tout une histoire de volonté. 

Oui, j’ai fait preuve d’un très gros manque de volonté quand en 2019 j’ai eu la possibilité d’y aller, je n’avais créé ni le temps, ni les ressources. Comme j’aime bien souvent le dire, j’ai fait ma radine. J’ai regardé mon porte-monnaie et quand j’ai mentalement retiré 400 usd sans le billet d’avion, ma conscience m’a dit: “Jeune fille, tu passes ton tour”.

Et puis comme l’univers sait bien faire les choses et comme de toutes les façons Lalibela est cyclique, j’ai eu une autre opportunité. Au départ tout était parti pour que ce soit avec Internations…. Mais avec Providence, ma petite sœur des découvertes en Ethiopie, nous avions décidé de gérer le voyage toutes seules, comme des grandes: à nous les montagnes, les églises, le recueillement et l’aventure. En cela, Lalibela ne nous a pas trahies. Nous avons tellement apprécié que nous avons pris la ferme résolution d’explorer ce pays qui a tant à offrir.

De plus, dans notre besoin d’indépendance et grâce aux contacts fournis par des ami.e.s, nous sommes tombées sur un guide diacre; en cela, l’expérience a été totalement différente. 

Pourquoi Lalibela?

Vous connaissez tous l’expression, “l’occasion fait le larron”. Nous aurions pu aller à Arba Minch ou à Omo Valley pour ce voyage mais la fenêtre de Lalibela donnait sur le week-end pascal orthodoxe éthiopien. Un moment de grande ferveur religieuse où les ouailles se pressent autour et au sein d’églises vieilles de centaines d’années. 

Soit dit en passant, le jeûne précédent la Fassika (pâques orthodoxe éthiopienne) dure 55 jours.

Lalibela, c’est aussi un héritage culturel mondial immense, classé patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, si vous n’êtes pas porté par la religion, la beauté et la perfection des lieux ne vous laisseront pas indifférents. Si en plus vous êtes friands de hiking, Lalibela is the place to be.

Et si jusque là vous n’êtes pas convaincus, Lalibela, est une région de montagnes où il n’existe pas de pollution; tout y est paix et quiétude.

Personnellement, mon passage a été marqué par ces 4 temps: religion, culture, sport et déconnexion. J’ai profité pour recharger mes batteries qui en avaient grand besoin. Je me suis sentie à Lalibela comme dans un monde parallèle loin des tourments de la vie d’adulte. Point d’internet, point de sms, juste profiter des cadeaux de l’instant présent.

S’émerveiller tel un enfant dans un magasin de bonbons 

Une fois sur le tarmac de l’aéroport de Lalibela, le décor était planté. De plus, la météo clémente, soleil, ciel dégagé, le guide à nous attendre, la visite pouvait commencer.

Le temps de poser nos bagages à l’hôtel, nous étions sur le site de la nouvelle Jérusalem.

Nous faisons un saut dans le 13ème siècle, les croisades battent leur plein et aller à Jérusalem est de plus en plus périlleux et risqué. De nombreux pèlerins parmi lesquels des éthiopiens y laissent leur vie et le roi du village qu’est Lalibela à l’époque décide de construire des églises. On se serait bien attendu à ce qu’il le fasse à même le sol… mais comme je l’ai dit plus tôt, les croisades faisaient rage, le roi a donc eu la superbe idée de les construire sous et dans la roche. Il lui a fallu 40 000 hommes, 23 ans… ainsi que l’aide d’anges venus du Ciel pour venir à bout de ses ouvrages…. 

Non, ceci n’est pas une blague, à Lalibela, ils y croient dur comme fer et ne leur laissez pas entendre le contraire et n’en riez même pas, cela pourrait vous valoir une lapidation en règle.

Les églises de la nouvelle Jérusalem sont constituées de deux grands groupes qui comptent en tout 11 églises.

Le premier groupe d’églises  au Nord de la rivière Jourdain, toutes situées au même endroit, sont les unes à côté des autres.

Biete Medhani Alem (la Maison du Sauveur du Monde), Biete Mariam ( la maison de Marie), Biete Maskel ( la maison de la Croix), Biete Denagel ( la maison des vierges), Biete Golgotha Mikael (la maison de Golgotha)

Tout juste à côté de ce lot d’églises,  des habitations comme figées dans le temps. Nous nous sommes étonnées du fait qu’à l’époque déjà, des maisons en étages existaient; 13ème siècle…. L’étage était réservé aux humains et le rez-de-chaussée aux animaux de la famille…

Biete Ghiorgis (Maison de Saint Georges), est isolée des autres. A mon humble avis, c’est la plus majestueuse de toutes. C’est d’ailleurs grâce à elle que Lalibela est connue de par le monde.

Son architecture unique, ses détails parfaits, le soin raffiné dans lequel les finitions ont été faites font de la maison de Saint Georges un bijou et un chef d’œuvre architectural. Elle reconnaissable entre 1000 du fait de son toit en forme de croix et des détails qui y sont figés. De plus, Saint Georges est pratiquement présent partout dans les artéfacts et ses faits d’armes font de lui une figure très respectée à Lalibela

Le deuxième groupe d’églises est situé au sud de la rivière Jourdain.

on y trouve: 

Biete Emmanuel (la maison d’Emmanuel), Biete Qeddus Mercoreus (La maison de Saint Mercroreos), Biete Abba Libanos (La maison d’Abbott Libanos), Biete Lehem (la maison du pain sacré)

Biete Uriel and Rafael (La maison de Uriel et de  Raphaël): Ces deux dernières font l’objet de débats. En effet, pour les archéologues et autres experts les maisons de Uriel et de Raphaël, n’étaient pas des églises à la base mais des appartements royaux… Sauf que ni vous, ni moi, ni eux n’y étions… Seuls demeurent des bâtiments d’une incroyable beauté et défiant le temps comme d’ailleurs toutes les églises. 

A plusieurs moments, j’ai admiré l’être humain et ce qu’il est capable de réaliser. Nous sommes tellement capables de belles et grandes choses. La vision de ce roi, sa détermination à sauver la vie de ses sujets a dépassé le temps et les âges. Et je me suis souvenue de cette question que l’on pose souvent aux gens : “ que veux-tu que l’on retienne de toi”. Le roi Lalibela ne s’est probablement pas posé la question à l’époque; préoccupé qu’il était par la survie des chrétiens éthiopiens.

Son œuvre et son nom lui ont survécu;  l’Etat éthiopien y veille ainsi que l’Unesco qui grâce au Label Patrimoine Mondial de l’Humanité veillent à ce que cet héritage ne disparaisse pas. Une mémoire intacte surgit du fond du 13ème siècle. 

Si vous allez à Lalibela, je vous conseille d’être en bonne forme physique et d’apporter des tennis. L’accès aux églises n’est souvent pas aisé et c’est encore pire quand il pleut. 

Danser avec le vide

Lalibela, ce sont les montagnes, le vide et l’altitude. Autant vous le dire, pour moi, cela n’a pas été une partie de plaisir tout le temps. Et pour cause : j’ai peur du vide… Moi dans cette immensité, je me suis sentie si petite et vulnérable. Je ne compte pas le nombre de fois que Providence m’a dit: « ne regarde pas en bas » et je répondais presque inlassablement : « comment faire quand il n’y a que ça ! » Elle était bien gentille ma camarade, mais c’est bien connu qu’on ne donne pas ce genre de conseil. J’avais fort à faire à oublier la réalité du terrain et je n’avais pas besoin que l’on me rappelle ce que mon esprit essayait d’ignorer. 

Le roi Lalibela avait un frère qui lui aussi a eu la bonne idée de construire des églises à l’abri des regards. 

Lui ne les a pas installées dans et sous la roche mais dans le ventre des montagnes. Et il fallait monter très haut ou descendre très bas. 

Une fois de plus, il vaut mieux être en excellente forme physique. En plus, des pentes abruptes, il faut gérer l’oxygène qui se fait rare avec l’altitude. J’ai fait de la cardio, leg day et j’en oublie. Dieu merci pour mon coach tortionnaire dont le training m’a permis de survivre à ce périple. 

Par contre la pureté de l’air fait tellement de bien et une fois sur site, on oublie tout. 

Pourquoi bâtir des églises dans des caves ? 

Pour les mêmes raisons qu’en bâtir dans les roches avec ceci de plus que c’était moins coûteux. L’histoire ne dit pas en effet combien de deniers ont été nécessaires pour ces entreprises. Une information qui ne serait pas passée sous silence de nos jours. 

Telles celles de son frère, les églises construites sous la direction de Neakutoleab datent de plusieurs siècles et sont toutes aussi impressionnantes. Figées dans le temps et intactes. 

Croire en quelque chose 

La religion repose sur un ensemble de croyances. 

A Lalibela, ils croient que les anges ont aidé à construire les 11 églises et devant la tâche titanesque, moi aussi je veux y croire. 

Nous avons aussi vu ce bassin dans lequel on plonge trois fois les femmes qui peinent à avoir des enfants. J’avoue que pour le coup, ce n’est pas glamour du tout. L’eau verdâtre n’aide pas mais il faut croire en quelque chose et dans le désir qu’est la quête d’enfants, je veux bien croire que cette eau est miraculeuse même si le bassin n’aurait jamais vu mon orteil si j’étais dans cette situation de quête d’enfants. 

Je discutais avec des ami.e.s il y a peu. Il est important pour l’esprit humain de s’accrocher à quelque chose et d’y croire. Certains croient en l’argent, d’autres au tonnerre. Certains encore accordent du pouvoir à une eau à l’allure peu flatteuse par désespoir, parce qu’ils n’ont pas d’autres recours que celui d’espérer et de croire….

Se recueillir 

Les croyants depuis le lundi saint (j’entends par là, le lundi saint orthodoxe) investissent les lieux de culte. Intriguée par le nombre d’églises, j’ai demandé à notre guide comment ça se passe, qu’est qui fait qu’on va prier à Biete Maryam et pas à Biete Denagel. Apparemment tout dépend soit de là où on a été baptisé soit de là où les parents, grand parents faisaient leur culte. 

On s’y rend depuis le matin très tôt pour prier, écouter le prêche des prêtres et se recueillir jusqu’à 18h, heure à laquelle on peut se nourrir. 

A certains moments, nous avions l’impression de déranger. On pouvait sentir les regards se poser sur nous. Le sol tapissé d’êtres humains, se frayer un passage relevait d’un exercice d’équilibriste. Femmes, enfants, jeunes hommes, personnes du troisième âge, tous nous dévisageaient, nous faisant un peu d’espace dans un espace plein à craquer où même une souris aurait eu de la peine à se frayer un passage. 

Les prêtres lisaient la bible, récitaient des versets en laissant monter les essences d’encens incandescents.

Et puis arrive le moment tant attendu. Celui que j’ai vu sur des comptes Instagram. Ce soir de veillée de prière. On est samedi saint et toutes les églises s’y préparent. Ils préparent les bougies, en disposent assez pour que personne n’en manque. Les tambours qui serviront pour l’événement et les autres instruments de musique. 

Les prêtres et diacres commencent par réciter des textes. S’en suivent des chants entraînants, envoûtants et dansant. Oui j’ai dansé. Me laissant porter par cette ferveur collective. C’était d’autant plus saisissant que les prêtres et diacres étaient tous joyeux. Eux qui n’avaient pas mangé depuis la veille et donc le prochain repas était à 3h du matin. La veillée avait commencé plus tôt 19h nous a t-on dit, ils n’avaient pas mangé depuis la veille mais leur enthousiasme était tel que j’ai tout laissé tomber. Au diable le comportement, je suis à ce moment-là une chrétienne comme le reste. Je ressens ce feu divin monté en moi. Je peux voir le divin chez mon voisin, chez les prêtres qui chantent et dansent, chez ceux qui portent les tambours et dansent sans se laisser dominer par ce ventre vide….

Je danse, je laisse échapper des houloulous, je ris, je reçois une bougie tout en continuant ma déconnexion connectée… et voilà qu’arrive le saint esprit matérialisé par une bougie enflammée. Un feu qui va de bougie en bougie et qui comme une traînée de poudre illumine tout l’espace. 

C’est beau, je pleure, je suis heureuse et reconnaissante…

Le jeûne orthodoxe aura duré 55 jours durant lesquels on ne consomme pas de produits animaliers (exit la viande, les œufs, le lait, le fromage, etc et bienvenue à un régime végétarien 400% légumes). 

Nous en avons d’ailleurs fait les frais car les hôtels et les restaurants ne proposaient pas de viande ou de dérivés. 

Mon Lalibela, c’était ça. Le temps d’un week-end qui est trop vite passé. 

Bon à savoir. 

Si vous voulez aller à Lalibela voici quelques informations pratiques:

Billet d’avion : 96 usd soit 52.305 xof

Hôtel : pour 2 personnes 127 usd soit 70.000 xof de vendredi à dimanche matin

Guide : 260 usd par personne soit 142.280 xof. Veuillez à demander que chaque poste de dépenses soit énoncé au centime près.

Quand y allez ? 

Vous pouvez y aller à n’importe quel moment mais pour vivre la même expérience, il vaut mieux y aller pour Noël ou pour Pâques (calendrier éthiopien orthodoxe). 

Les églises sont fonctionnelles toute l’année durant mais l’ambiance n’est pas la même que pendant Pâques ou Noël. 

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Posted by Leyopar

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